lundi 28 décembre 2015

Quand une ville porte le nom d'une date

Editor : Pedro Eppherre, Cigarreria y Libreria
Voici quelques temps, ma belle-sœur m'envoie cette carte postale trouvée sur le net. Ce n'est pas tant le sujet qui m'interpelle, un bâtiment d'architecture classique dont la légende nous apprend qu'il s'agit d'une banque argentine, que le nom de l'imprimeur, Pedro Eppherre. Lorsque je la reçois, je la mets de côté, et n'y pense plus.

Et puis, voilà qu'à Noël, j’évoque en famille mes trouvailles récentes sur la branche argentine des Eppherre, et la carte me revient à l'esprit. On peut la dater facilement du début du 20e siècle puisque celui qui l'envoie note "avril 1909". Et mon frère de se rappeler alors que parmi la famille que nous venions d'évoquer, il existait un Pedro Eppherre.

Né le 20 septembre 1876 à Morón, province de Buenos Aires. ce Pierre (déclaré Pedro) est le septième d'une fratrie de onze enfants, celle d’André (ou Andrès) Eppherre, le frère de mon arrière-grand-père paternel Dominique (1851-1928) et de son épouse Gabrielle Arcurux, native d'Abense-de-Haut (lire ici). Du moins, grandes sont les probabilités pour que ce soit lui. Pour en avoir le cœur net, il me faudrait connaître l'origine de la carte, or j'ai beau la retourner, je ne trouve pas...

En revanche, une date est mentionnée : "Nueve de Julio" (9 juillet). Et à y regarder de plus près, je trouve ça bizarre. Mue par une intuition soudaine, je google cette "date" et apprend qu'il s'agit en fait d'une ville argentine située sur la Route Nationale 5 à 275 km à l'ouest de Buenos Aires et environ 250 de Morón.

Poursuivant mes recherches, je tombe sur la page Facebook du journal de cette ville de près de 48000 habitants aujourd'hui, fondée en 1863 ... un 27 octobre* (et non pas un 9 juillet**). J'y retrouve la trace de Pedro dans un article consacré à l'arrivée du phonographe à Nueve de Julio*. "Il fut l'un des premiers à vendre [des phonographes] au début du XXe siècle dans sa "cigarreria". J'imagine qu'il s'agissait d'un grand bazar doté d'une imprimerie..

Et voilà, on aimerait en savoir davantage sur la vie de cet aïeul. Est-il venu seul ou avec le reste de la famille ? A-t-il fait souche, voire fortune ? Encore des questions sans réponses... Et deux constats en guise de conclusion : l'entraide est essentielle à la généalogie et, de temps de temps, il ne faut pas hésiter à soumettre celle-ci à un regard neuf ...

* Sources : Wikipedia et Facebook  
** Le 9 juillet est en fait le Jour de l'Indépendance argentine

lundi 21 décembre 2015

La vie mystérieuse de Scholastique E., enfant naturelle (III)

Patience et persévérance sont les deux mamelles de la généalogie. Parmi les premiers destins auxquels je me suis intéressée, celui de Scholastique Eppherre vient de connaître un nouveau rebondissement !

Dans les deux billets que je lui avais consacrés, les observateurs auront peut-être remarqué un grand absent. A chacun de ses mariages, si Scholastique apparaît comme fille "illégitime" ou "naturelle", mention est bien faite d'un père, un dénommé François, cadet de la maison Eppherre à Barcus. Elle porte du reste son nom et non celui de sa mère, comme son demi-frère Jean Uthurburu, né lui de père inconnu...

Jusque là, je n'avais pas trouvé la trace du père "naturel" de Scholastique mais je ne désespérais pas. J'avais bien remarqué sur de nombreux actes de Tardets la présence comme témoin d'un certain François Eppherre mais rien pour le relier à mon "héroïne". A son sujet, je dois dire que si l'on devait décerner la palme du civisme, il l'emporterait haut la main ! 

Entre 1800 et 1820, il apparaît un nombre incalculable de fois dans les actes de baptême, mariage et décès de sa commune comme témoin. Coutelier de métier, il disparaît pendant de longues périodes (peut-être était-il itinérant ?) mais dès qu'il est là, on a l'impression qu'il passe sa vie à la mairie ! C'est ainsi que j'ai réussi à le retrouver et à reconstituer son histoire.

Né vers 1767 ou 1768 à Barcus, il a eu Scholastique en 1787 à 19 ou 20 ans, Engrace Uthurburu, née quant à elle vers 1764, était donc un peu plus âgée que lui. Pourquoi leur fille est-elle dite enfant naturelle alors qu'elle porte le nom de son père et que celui-ci est nommément mentionné dans ses actes ? Mystère. Au moment de son premier mariage en 1814, elle vit dans la maison de son grand-père paternel à Barcus. Peut-être est-ce lui, le chef de famille, qui l'a reconnue et accueillie ? 

François, entre temps, s'est établi à Tardets où où il s’est marié le 3 Ventôse an V (21 février 1797) à l'age de 30 ans, Il a épousé Marie Agie dite Destein, née en 1768, elle-même fille naturelle d’Arnaud Agie et de Marie Jeanne Destein. Ensemble, ils auront quatre enfants, Dominique, né le 21 décembre 1797, Gracieuse, le 6 juillet 1801, Jean, le 29 septembre 1804 et Philippine, le 15 mai 1806. 

Seules les filles auront une descendance, Jean est mort en bas âge et Dominique... a disparu*. C'est le mari de Philippine, Pierre Ponsol, qui à son tour déclare le décès de son beau-père François, le 30 janvier 1844 à Tardets dans la maison Destein. L'histoire ne dit pas si celui-ci avait revu sa fille aînée avant de mourir...

Scholastique aura eu en tout cas de nombreux demi-frères et demi-sœurs entre Barcus et Tardets, du côté de son père comme de sa mère, un bel exemple de famille recomposée !  

* C'est un des nombreux mystères qui entourent cette famille mais qui sait, peut-être comme son père, réapparaîtra-t-il quelque part ?

Illustration : Mauricio Flores Kaperotxipi

vendredi 11 décembre 2015

Querelle de clocher autour de l'église d'Aussurucq

Voilà encore une trouvaille due à Gallica : un fait divers rapporté par "Le Petit Parisien" (autoproclamé plus gros tirage des journaux du monde entier !) du 19 août 1911. Le correspondant basé à Pau, apporte un éclairage sociologique à sa brève. Il précise en effet que la tradition veut qu’au Pays basque, les hommes se placent en haut dans la tribune tandis que les femmes et les enfants se tiennent en bas dans le chœur. Il ajoute que les paroissiennes ont eu le temps de s’enfuir lors de la chute de la tribune !
On imagine l’émoi dans ce petit village souletin qui à cette époque, comptait 518 âmes ! Malheureusement pour eux, les villageois n’en étaient pas quittes pour autant avec les risques que leur faisait courir la vétusté de leur église ! Celle-ci va en effet donner lieu à un différend entre le préfet des Basses-Pyrénées et le conseil municipal d’Aussurucq, un an plus tard.
Le 26 novembre 1912 en effet, en pleine séance de la Chambre des Députés à Paris, le représentant des Basses-Pyrénées, Léon Pradet-Balade (Saint-Palais,1863 - Bayonne, 1931), interpelle le ministre de l’intérieur lors des questions au gouvernement. Il demande à ce dernier s’il est dans son intention de faire appliquer les lois de 1905 et 1908 concernant les églises. Il se méfie dit-il des préfets et prend pour exemple … Aussurucq !
Le Petit Parisien du 26/05/1906
Et d’expliquer en séance le contexte : la commune d’Aussurucq était prête à restaurer le clocher de son église « qui menaçait ruine » prenant en conseil municipal « une délibération demandant au préfet l’autorisation de faire une coupe de bois [dans les bois communaux] pour un montant de 4900 F, somme correspondant exactement au devis des réparations » ce, afin de procéder à la reconstruction dudit clocher.
Quelques temps après, le maire reçoit du préfet une réponse « laconique et sèche », selon M. Pradet-Balade, refusant l’adjudication [des travaux], arguant que « la loi de séparation [de l’Eglise et de l’Etat] n’autorise aux communes que les réparations des édifices du culte ; elles ne peuvent entreprendre des travaux ni de construction ni d’embellissement ». 
Très en verve, le député sous-entend alors que le préfet n’a pas lu le dossier, resté pourtant en souffrance six mois en préfecture ! Le reste relève de « Clochemerle » quand il apparaît, toujours dans la bouche de M. Pradet-Balade, que le préfet « faisait des niches au maire d’Aussurucq » pour une sombre affaire de désaccord au sujet de la construction de la maison d’école [logement de l’instituteur] sur fond de favoritisme. 
Le maire ne cédant pas et menaçant le préfet de saisine du Conseil d’Etat, celui-ci tentait alors de « l’intimider en lui interdisant de procéder à l’adjudication du clocher». En bon avocat qu’il est, le député Pradet-Balade conclut en rappelant aux préfets « leur devoir de justice », stigmatisant « leurs errements et leurs actes de tyrannie et d’arbitraire intolérables.» 
Le ministre de l’intérieur promet alors « d’examiner les faits » et l’assure que son « plus vif désir [est] que l’administration soit juste et agisse conformément à l’intérêt du public.» On le voit, les débats de notre actuelle assemblée nationale n’ont rien à envier à ceux qui avaient cours il y a un siècle. Il est également amusant de noter que Léon Pradet-Balade était lui-même fils de sous-préfet…
Illustration et sources : Gallica (photo de L. Pradet-Balade dans Le Petit parisien du 26 mai 1906 

vendredi 4 décembre 2015

Cousines à la mode ... du Pays Basque

Pastorale à Alçay -  Ed. Ichoureguy
En 2010, je vivais dans un pays lointain et, à peu près à la même époque, je m'étais inscrite sur un réseau social connu. Comme le font nombre d'entre nous, je recherchais aussitôt les personnes portant le même nom de famille que moi, d'autant que le mien est plutôt rare. C'est ainsi que commença mon amitié "virtuelle" avec Noëlle.

Quand j'ai commencé la généalogie, je lui ai posé quelques questions sur ses origines, persuadée peut-être de façon présomptueuse que j'arriverais à établir que nous étions "cousines". Mais de même que mon arrière-grand-père était une "pièce rapportée" à Aussurucq, le grand-père de Noëlle avait fait souche à Sauguis en épousant une aînée Garicoix. Dans un de mes premiers billets, je m'autorisais à traiter mes ancêtres de "coucous" bien que notre nom signifie "perdrix" mais il est vrai que les cadets basques n'avaient pas beaucoup de choix...

Une fois de plus, ma bonne fortune passa par les livrets militaires. Je trouvai celui d'un Jean Eppherre, né le 17 janvier 1893 à Alçay, fils de Jean Eppherre et de Marie-Anne Iribarne. Jean, nous apprend son livret, a été pendant la grande guerre affecté au service auxiliaire pour cause de forte myopie. Dans la marge, je notais la mention d'une adresse en 1939 chez Garicoit (sic) à Sauguis. Noëlle se renseigna auprès de ses tantes qui confirmèrent qu'il s'agissait bien du grand-père.

Sachant que ma propre branche venait d'Alçay et de Sunharette (les deux villages ont été regroupés avec un troisième en 1833 et forment depuis la commune souletine d'Alçay-Alçabehety-Sunharette*) reconstituer notre parenté n'était plus qu'affaire de patience. Je retrouvai d'abord  l'acte de mariage des parents de Jean et l'acte de naissance de son père prénommé Jean aussi, et exerçant la profession de meunier.

Jean Eppherre, l'arrière-grand-père de Noëlle donc, est né le 15 septembre 1861 dans la "maisonnette" de Methola. Il se marie le 26 janvier 1891 avec Marie-Anne Iribarne, d'Alçay elle aussi. Outre Jean, la fratrie comptera Raymond (1892-1980), marié à Marguerite Onnainty, Sébastien (1898-1936) marié à Marie Houret, et Magdeleine (1900-1928), mariée à Jean-Pierre Lartigue. Peut-être d'autres que je n'ai pas trouvés... 

Et le lien avec moi me direz-vous ? J'y viens. Ce Jean était le fils de Jean-Pierre Eppherre dit Recalt (Sunharette,1818-Alçay,1888) et d'Engrâce Jauréguiberrry dite Luherry (Lacarry,1824-Alçay,1878). Lequel Jean-Pierre (ou Pierre selon son acte de naissance le 6 novembre 1818) est le frère cadet de Raymond Eppherre dit Harismendy (Sunharette, 1817-1896), mon arrière-arrière-grand-père (sosa 16).

Noëlle et moi sommes donc cousines parce que nos arrière-arrière-grands-pères étaient frères. Cousines lointaines, certes, mais cousines !

Je m'y suis rendue en avril dernier, chacune a son église et son cimetière. L'église d'Alçay est ravissante !  

mercredi 2 décembre 2015

Émigration basque : et si l'on parlait des femmes ?

Ayacucho - Provincia de Buenos Aires 
Récemment, j'ai lu un article très intéressant consacré à une jeune femme chargée de mission à l'Office public de la langue basque, sous le titre : "Nous avons évincé par inadvertance les femmes de l'histoire de l'émigration basque". Elle y citait le cas de cette femme émigrée à laquelle on ne demandait jamais son témoignage alors qu'elle avait quitté son pays natal au même titre que son mari.

Par hasard, je venais de lire sur le blog de l’association souletine Ikerzaleak le récit de la découverte incroyable d'archives d'un autre agent d'émigration que Guillaume Apheça déjà mentionné ici. La liste des émigrants de ce "fonds Vigné", étant classée par noms mais aussi par communes, j'allais tout de suite voir ce que me réservait Aussurucq. 

23 noms, 19 hommes, 4 femmes, partis entre 1887 et 1913 sur différents navires mais tous à destination de Buenos Aires. Pour donner une idée de ce que cet exode représentait, la population du village était de 570 habitants en 1886 (472 en 1921)*. La première à partir par l'entremise de Jean Vigné est Marie Serbielle de la maison Etchatz. Elle a dix-sept ans et est la benjamine de la famille.

Je l'ai déjà mentionnée dans un précédent billet, sa mère est Marguerite Lohitçun, l'une des sœurs de mon arrière-arrière-arrière-grand-mère. Elle est née le 25 juillet 1870 et a donc bien 17 ans lorsqu'elle embarque le 16 novembre 1887 sur le "Ville de Saint-Nicolas". Elle part seule apparemment, en tout cas par cette filière. Le prochain candidat au départ ne quittera Aussurucq que le 5 septembre de l’année suivante.

Ma première réaction est de rechercher Marie dans le census de Buenos Aires de 1895. Je ne la trouve pas mais en revanche, je découvre une autre Marie Serbielle (nom qui selon les actes varie de Serbielle à Servielle, en passant par Serviel, Serbiel et même Cerbiel !). A l'âge de 23 ans, elle épouse à l'église "Nuestra Senora de los Dolores" le 25 janvier 1881 un dénommé Jean Lagarde âgé de 25 ans.

Le nom des parents étant mentionné sur l'acte de mariage, elle est bien la fille de Pierre (Pedro) Serbielle et de Marguerite (Margarita) Lohitçun. Il s'agit, je pense, de Marie née le 12 décembre 1857 à Aussurucq. Un an plus tard, on retrouve la famille Lagarde à Ayacucho, en pleine pampa, au cœur des Sierras des Tandil à quelque 320 kilomètres au sud de Buenos Aires, La ville compte tout de même plus de 11000 habitants en 1881* (contre 3000 en 1869 !). 

Le 2 février 1882 est baptisé Juan en l'église "Purificacion de la Virgen Maria". Le 10 octobre 1883, c'est le tour de sa sœur Margarita. A ce stade de mes recherches, je n'ai rien d'autre à ajouter au sujet de cette famille. Le livre reste ouvert comme souvent en généalogie. Et la petite Marie dans tout ça ? Est-elle arrivée à son tour à Ayacucho pour y retrouver une sœur, un beau-frère et des neveux, et commencer une nouvelle vie ? ¿Quien sabe?

* Sources : Wikipedia

vendredi 13 novembre 2015

Vie et mort de trois poilus nés dans le même village (II)

Le frère aîné de Michel Eppherre, Dominique (1884-1944) avait épousé à Aussurucq le 24 novembre 1909 Jeanne Etchart (1886-1960) de la Maison Larraquia. Ensemble, ils auront onze enfants mais au moment de la mobilisation, ils en ont déjà trois, dont le futur chanoine Guillaume Eppherre (1911-1974) et Mayanna (1913-2014), une centenaire en devenir que j'évoquerai peut-être un jour...  

Jeanne aussi a perdu un petit frère au cours de la Grande Guerre dont le nom figure sur la plaque commémorative de l'église, Né le 20 janvier 1894, Arnaud Etchart est le fils de Guillaume Etchart et d'Engrâce Hidondo du même village d'Aussurucq. Son livret militaire nous apprend qu'il est d'abord réformé le 2 juillet 1914 pour "faiblesse". Mais la guerre éclate et il est finalement incorporé en même temps que Michel Eppherre, frère de son beau-frère donc, le 16 septembre suivant.

Il passe par le 170e régiment d'infanterie en tant que soldat de 2e classe, devient 1ère classe le 27 septembre 1915 et rejoint le 21 janvier 1916 le 42e RI* dit "L'as de carreau". Toujours d'après le site Chtimiste, les casernements de ce régiment sont alors regroupés à Belfort et à Giromagny (Territoire de Belfort). En août 1916, Arnaud Etchart prend part avec ses camarades à la bataille de la Somme. Il décède des suites de ses blessures le 24 août 1916 à 17 heures au Bois de Hem. Il avait 22 ans. 

Le troisième disparu que j'évoquerai est le cousin germain du précédent. Arnaud Hidondo est en effet le fils de Pierre, frère d'Engrâce, la mère de Jeanne et Arnaud Etchart. Il naît le 17 août 1882, dans la maison Althabegoïty, celle de sa mère, Marie Inchauspé. Lui aussi est d'abord dispensé car soutien de famille en tant que fils de veuve et aîné de sept enfants. En 1906, il est réserviste.

Au moment de la déclaration de la guerre, il a 28 ans. Affecté au 58e régiment d'artillerie de Bordeaux, son régiment de rattachement, il servira pendant la "campagne contre l'Allemagne" du 13 août 1914 au 13 juin 1918, date à laquelle, il meurt dans l'ambulance qui le transporte, des suites des ses blessures de guerre. Le lieu de son décès n'est pas mentionné.

Arnaud est le dernier nom de la plaque des morts de 14-18 d'Aussurucq, il allait avoir 36 ans.

* En avril 1917, le 42e RI perdra plus d'un millier d'hommes en une seule semaine au Chemin des Dames.

jeudi 12 novembre 2015

Vie et mort de trois poilus nés dans le même village (I)

Il n'aura échappé à personne que nous étions hier le 11 novembre. Sur le site Mémoire des Hommes, un gros travail d'indexation collaboratif a été entrepris pour annoter les 1,4 millions de fiches que compte actuellement la base des Morts pour la France de la Première Guerre Mondiale. J'ai voulu apporter ma petite pierre à l'édifice en me penchant sur les morts du village souletin d'Aussurucq, au Pays basque.

Je me suis souvenue d'une photo que j'avais prise sous le porche de l'église. Douze noms figurent sur une plaque en marbre. Dans la précipitation ou sous le coup de l'émotion, le graveur s'est trompé dans les dates, il a indiqué 1914-1916 alors que trois poilus du village sont bien tombés en 1917 et un en 1918. Comme quoi, l'expression "gravé dans le marbre" est parfois sujette à caution... 

Après m'être penchée sur le destin de chacun de ces disparus en consultant leurs livrets militaires, j'ai choisi de vous parler de trois d’entre eux. Commençons par celui qui m'est le plus proche puisqu'il s'agit du frère de mon grand-père paternel. Michel Eppherre naît le 14 février 1895 dans la Maison Etcheberria, d'Elisabeth Irigoyen (1858-1942) et de Dominique Eppherre (1851-1928). 

Il est le huitième d'une fratrie de onze enfants dont mon grand-père Pierre né le 30 septembre 1901 est le dernier. Entre eux, un frère et une sœur sont morts en bas âge, ce qui me laisse penser que ce Michel de 6 ans 1/2 son aîné a dû beaucoup compter pour le petit Pierre. A la suite de la mobilisation générale d'août, Michel est incorporé le 16 septembre 1914 comme soldat de 2e classe. Il n'a pas 20 ans. 

Le 5 octobre 1915, il rejoint le 60e Régiment d'infanterie dit "l'as de cœur" regroupé à Besançon. [Sources : Chtimiste.com]. De février à mars 1916, le 60e RI livre la terrible bataille de Verdun. C'est là que le 22 février, Michel disparaît au lieu-dit le Bois des Caures. Il faudra attendre le 4 mai 1921 pour que son décès soit acté et reporté sur le registre d'état civil d'Aussurucq. 

Dans leur sécheresse ces dates encadrent le triste destin de ce jeune homme de 21 ans, à la silhouette trapue comme souvent chez les Basques : 1,64 m, des yeux gris (ceux de mon grand-père étaient bleus) et des cheveux noirs. Un jeune agriculteur qui ne connaîtra jamais la joie d'être père et laissera dans la peine ses parents, ses trois sœurs et trois frères aînés, et bien sûr un petit frère inconsolable ...

[A suivre]

mardi 3 novembre 2015

Les registres de Guillaume Apheça, "marchand de palombes"

Le Niger - Collection  P. Ramona
Mon dernier billet sur les Lohitçun originaires d'Aussurucq, berceau d'une partie de ma famille paternelle, faisait état de quatre sœurs aux destins différents mais qui toutes avaient été mères un jour. Une fois de plus, il me faut revoir ma généalogie. En effet, en transcrivant l'acte de mariage de la petite dernière, Elisabeth, daté du 14 octobre 1851, je me suis aperçue qu'un des témoins était son beau-frère, un certain Arnaud Ihitz, de Sauguis.

Histoire de brouiller les pistes, une cinquième sœur, Marie, née le 15 septembre 1827 (oui, je sais encore une Marie !) s'était en effet mariée dans le village de son promis, Sauguis. Ce 19 février 1849, elle avait uni sa destinée à celle d'Arnaud Ihitz, frère cadet de sa belle-sœur Marie laquelle venait d'épouser à Aussurucq son frère Pierre le ... 13 février, soit moins d'une semaine auparavant. J'imagine que chaque famille partageait ainsi la charge de deux mariages "croisés" et rapprochés.

Une fois cette découverte faite, il ne me restait plus qu'à établir la descendance de cette nouvelle branche grâce aux registres numérisés de Sauguis-Saint-Etienne. Arnaud et Marie ont eu neuf enfants entre 1849 et 1863 avec comme toujours, leur lot de décès en bas âge, trois bébés et une fillette de 13 ans. Ma surprise fut néanmoins de ne trouver aucun mariage ni descendance chez les cinq survivants. En tout cas, pas dans leur village natal, ni dans les environs.

Et c'est là que j'ai eu l'idée d'aller faire un tour du côté des registres de Guillaume Apheça. Souletin lui aussi, né à Domezain-Berraute en 1828, c'était un agent d'émigration de l'agence Colson à Bordeaux. Avec son frère Jean, il organisa le voyage de quelque 15000 émigrants basques entre 1856 et 1913. Guillaume supervisait leur départ depuis Saint-Palais tandis que Jean, installé à Buenos Aires, les accueillait dans ce qu'on appelait alors le pays de La Plata (les territoires d'Uruguay, Paraguay et Argentine autour de ce fleuve).

Guillaume Apheça, dont les registres ont été retrouvés par hasard dans une maison de Béhasque, était ce qu'on appelait un "uso martxanta", un "marchand de palombes", en référence à cet oiseau migrateur bien connu des Basques. En 1892, un rapport parlementaire fait état de 79 000 départs de France  au cours des cinquante dernières années pour Montevideo et Buenos Aires. Parmis eux, les deux tiers sont des Basques.

Mais revenons à nos enfants Ihitz. Le 5 février 1874, le dénommé Pierre Ihits (sic), originaire de Sauguis, embarque sur le Niger de la Cie des Messageries Maritimes en partance vers l'Amérique du Sud. Il est accompagné par une de ses sœurs dont on ne connaît pas le prénom. L'année suivante, une certaine Marie Ihitz, âgée de 21 ans, elle aussi native de Sauguis, quitte la France le 5 octobre 1875. Le registre ne mentionne ni le nom du bateau ni la destination.

Marie Lohitçun, sœur cadette d'une autre Marie, mon AAAGM, et Arnaud Ihitz avaient eu un fils, Pierre, né le 19 août 1851 et une fille, Marie, née le 29 septembre 1854 (donc bien âgée de 21 ans en 1875). Je n'ai aucune certitude mais il me plaît de penser que, telles les palombes de leurs montagnes, ils se sont envolés vers d'autres horizons... 

vendredi 30 octobre 2015

Quatre sœurs, quatre destins de mères

Félix Arnaudin
Chaque généalogiste se retrouve au moins une fois confronté à des naissances hors mariage, reconnues ou pas. Le cas basque se complique un peu du fait de la relative tolérance des mariages dits "à l'essai" comme je l'ai déjà expliqué ici, Prenons le cas de la famille de mon arrière-arrière-arrière-grand-mère, Marie Lohitçun (sosa 39), née le 1er novembre 1809 à Aussurucq.

Marie est la seconde d'une fratrie de quatorze enfants dont quatre mourront en bas âge et quatre seulement auront une descendance. Elle est la première à se marier, son frère aîné Jean (1808-1829) étant décédé à l’âge de 21 ans quatre ans auparavant. Le 22 mai 1833, à 23 ans, elle épouse Pierre Dargain-Laxalt, de neuf ans son aîné. Il est sous-lieutenant des douanes et ils n'auront que deux filles, Marie-Jeanne (1833-1907), mon arrière-arrière-grand-mère (sosa 19) que j'ai longtemps crue fille unique (lire ) et sa petite sœur (1838-1840). Première suspicion de mariage à l'essai, Marie-Jeanne est née deux jours avant le mariage de ses parents !

Engrâce, sixième de la famille, voit le jour le 31 octobre 1815 à la suite de trois enfants morts bébés. A son tour, elle aura deux enfants mais sans père. Le 3 avril 1840, c'est sa mère Marie (ma sosa 79) qui annonce la naissance à la maison Lohitçun d'une petite Marie née de père inconnu. La petite décède le 30 mars 1842. Un mois plus tard, cette fois c'est le père d'Engrâce, Joseph, qui vient déclarer Pierre, né le 30 avril 1842 toujours de père inconnu. Le sort s’acharne sur la pauvre Engrâce puisque le petit Pierre ne vivra que 17 mois...

Le seul garçon de cette branche à perpétuer le nom de Lohitçun, est aussi un Pierre né juste après Engrâce, le 29 mai 1817. Le 13 février 1849, il épouse Marie Ihitz de Sauguis. Ensemble, ils auront quatre enfants. Mais intéressons-nous à présent à Marguerite, le numéro 12 de la fratrie. Elle aussi a d'abord un enfant né de père inconnu, Là encore c'est Joseph qui se déplace en mairie pour déclarer la naissance de ... Joseph, le 27 mars 1847. Mais cette fois, le père n'est pas si inconnu que ça...

En effet, le 29 juin 1848, Marguerite Lohitçun, 31 ans convole avec un garçon de son village, Pierre Serbielle dit Etchatz, 33 ans. Le couple s'empresse alors de reconnaître Joseph, leur premier né. Sur l'acte de son propre mariage, le 25 novembre 1875 avec Marie Chalde-Lago, Joseph né Lohitçun est entre temps devenu Joseph Serbielle-Etchatz. J'ignore si le mariage était à l'essai ou si il y a eu "réparation" après une première grossesse surprise mais en tout cas, le couple sera prolifique. Je vous fais grâce des huit frères et sœurs suivants (dont trois autres Joseph !) mais Marguerite aura sa petite dernière à 45 ans !

J'ai déjà évoqué l'histoire d'Elisabeth, sœur cadette de mon AAAGM Marie. Née, le 25 décembre 1829, vingt ans après celle-ci, elle épousera Antoine Larrive le 14 octobre 1851. A ce jour, j'ai perdu sa trace et celle de son douanier de mari. J'ignore donc si elle a eu des enfants mais si c'est le cas, ils étaient parfaitement légitimes...

vendredi 16 octobre 2015

Le chaînon manquant


©Archives familiales
Lorsque je me suis lancée dans cette dévorante aventure qu'est la généalogie, j'ai commencé par la branche qui me paraissait la plus simple, à savoir celle de ma famille paternelle. Si les Eppherre ne m'ont pas posé trop de problèmes, en revanche, pour les Etchemendy, la quête s'est avérée plus ardue.

Reprenons au début. Le couple sur la photo, ce sont mes grands-parents paternels, Pierre Eppherre (1901-1970) et Marie-Anne Etchemendy (1912-1977), le jour de leur mariage à Saint-Jean-le-Vieux (Pyrénées Atlantiques) le 4 février 1932. Voici quelques temps déjà que j'ai une alerte sur Geneanet, mais les Etchemendy (nom qui signifie "la maison située dans la montagne" : etxe maison et mendy montagne, en basque), sont nombreux. 

J'ai déjà expliqué ici comment, à la faveur d'une discussion avec mon père et une de ses cousines, j'avais réussi enfin à "localiser" Jean Etchemendy, le père de Marie-Anne, mon arrière-grand-père donc, à Mendive. Le 30 septembre 1908, il épouse Gratianne Urritzaga.

La mairie de Saint-Jean-le-Vieux m'a gentiment fait parvenir leur acte de mariage ainsi que l'acte de naissance de Gratianne, née dans cette commune et non pas en Espagne comme je le pensais. On y apprend qu'elle naît le 19 septembre 1883 et est déclarée par son père sous le prénom de Gracieuse. Ses parents sont Martin Urritzaga et Dominica Biscaïtchipy.

Je sais que les Urritzaga sont de Valcarlos mais mes recherches sont au point mort de ce côté-là de la frontière. En revanche, je décide de me pencher sur les Biscaïtchipy, originaires je le suppose de Basse-Navarre (Pays basque, côté français). A Saint-Jean-le-Vieux, dans les archives numérisées des Pyrénées-Atlantiques (AD64), je trouve la trace d'un mariage le 19 février 1871, d'un Jean Biscaïtchipy et d'une Marianne Saroïberry ou Sallaberry.

Mais les dates posent problème car si l'on se fie à l'acte de mariage de sa fille Gratianne, Dominica est née autour de 1861. D'où l'importance de lire un acte jusqu'au bout, celui que je regarde précise à la troisième page que le couple Biscaïtchipy/Sallaberry reconnaît deux enfants nés hors mariage dont une fille prénommée Dominica et née le 19 octobre* 1861 ... à Buenos Aires, en Argentine

Mon intuition me souffle qu'il s'agit bien de mon arrière-arrière-grand-mère mais comment en être sûre ? Il faudrait que je mette la main sur son propre acte de mariage avec Martin Urritzaga qui a dû intervenir entre 1880 et 1883. Pas de chance la numérisation de la commune s'arrête à 1879 et je ne peux pas encore solliciter la commune sans date précise ni même la preuve qu'ils se sont bien mariés là...

Et c'est là qu'intervient l'association Gen&O qui fait un travail remarquable dans le département. J'envoie une sorte de SOS via Twitter et reçois le lendemain dans ma boîte mail l'acte recherché, daté du 23 novembre 1882. Le chaînon manquant.

Dominica est bien née en Argentine avant que ses parents ne reviennent "au pays". Avec son acte de mariage et celui de ses parents, ce n'est pas une mais deux générations que je peux rajouter à mon arbre ! A ce jour, la généalogie de cette branche remonte à avant la Révolution et ouvre des pistes sur trois pays, la France, l'Espagne et l'Argentine !

Moralité : la généalogie, c'est un peu de flair, beaucoup de persévérance et surtout de l'entraide...    

* En fait, elle est née le 17 et a été baptisée le 19 ce que j'apprendrai beaucoup plus tard grâce à son acte de baptême argentin !  

mardi 13 octobre 2015

Où Gallica livre deux archives de choix

Guillaume Eppherre (à gauche) en 1971
J'ai déjà évoqué ici Guillaume Eppherre, cousin germain de mon père, prêtre, écrivain et membre de l'académie de la langue basque (Euskaltzaindia). Une récente recherche dans le site de la Bnf, Gallica, m'a amené à m'intéresser à ce parent que j'ai eu la chance de croiser dans mon enfance.

Guillaume naît à Aussurucq le 19 octobre 1911 dans la maison Etcheberria. Il est le second d'une fratrie qui comptera onze enfants. Son père, Dominique (1884-1944) est un frère aîné de mon grand-père Pierre (1901-1970) qui de fait, n'a que dix ans de plus que ce neveu. Sa mère, Jeanne Etchart (1886-1960), est également native d'Aussurucq (maison Larraquia).

Destiné à la prêtrise, il fait sa scolarité au collège Saint-François de Mauléon-Licharre, des études de philosophie au Petit séminaire d'Ustaritz, de théologie au séminaire de Bayonne et enfin, de mathématiques à la faculté de Toulouse. (Sources familiales et Wikipedia)

C'est là qu'il entre au service de l’évêque de Bayonne, Monseigneur Houbaut, comme le rapporte cette coupure de presse du journal La Croix en date du 14 juillet 1937. Deux ans après, la guerre éclate et il est mobilisé.
La Croix du 14 juillet 1937
L'autre archive de Gallica nous apprend qu'il est sergent au 18e RI lorsqu'il est fait prisonnier. On retrouve son nom dans la liste transmise par les autorités allemandes au centre national d'information sur les prisonniers de guerre (j'ignorais qu'un tel service existait !)
Toujours d'après Wikipédia, après la guerre, Guillaume Eppherre devient chanoine honoraire de Bayonne et aumônier au collège Saint-Bernard de la même ville. Ses écrits contribueront largement au rayonnement de la langue basque à travers l’académie dont il devient membre en 1957. Il y siégera en tant que représentant de la province de la Soule jusqu'à sa mort, le 17 octobre 1974.

Celle-ci intervient deux jours avant son 63e anniversaire et douze jours après le décès de son petit frère Grégoire (1929-1974), prêtre comme lui... 

Sources photo : Euskomedia.org

jeudi 1 octobre 2015

Quand mes ancêtres habitaient sur une frontière

"Les accords frontaliers passés au 18e siècle entre la France et l'Espagne ont définitivement séparé Valcarlos de la Basse-Navarre et de l'évêché bayonnais auxquels cette paroisse était rattachée depuis sa création" écrit Jean-Baptiste Orpustan dans sa Nouvelle Toponymie Basque, et de préciser : "C'est sans doute le pèlerinage compostellien et le rôle du monastère de Roncevaux qui ont fait le destin de cette "vallée de Charlemagne".

Quand avec mes parents nous passions nos vacances au Pays basque, nous faisions toujours une étape de "ravitaillement" dans les ventas d'Arnéguy sur la frontière. Si mes souvenirs sont bons, seul un pont sur la Nive marquait la limite entre la France et l'Espagne. L'architecture changeait un peu d'un côté à l'autre mais c'est tout. Je savais qu'une partie de ma famille venait de Valcarlos mais je n'avais jamais réalisé avant de me lancer dans la généalogie à quel point les deux villages étaient proches.

De fait, longtemps Arnéguy fut un quartier de Luzaide, le nom basque de Valcarlos. Dans l'acte de mariage de mes arrière-grands-parents, il est précisé que les parents de Martin, Pierre ou Pedro Etchemendy (ca 1811-1891) et Marie Auzquy (ca 1812-1872), sont domiciliés à Arnéguy mais que lui est né à Valcarlos, côté espagnol et elle à Mendive, un village plus à l'ouest distant d'une vingtaine de kilomètres à peine. Sur l'acte de naissance d'un de ses enfants, il est également précisé que Pierre est sujet espagnol. 

Pour cette branche, j'ai eu de la chance, j'en ai retrouvé de nombreuses traces dans les AD64, à Arnéguy, Mendive, Béhorléguy et plus tard, à Saint-Jean-le-Vieux. En revanche, mon arrière-grand-mère, Gratianne Urritzaga, est également originaire de Valcarlos mais je suppose que son acte de naissance est resté en Espagne. J'ai trouvé une famille Urritzaga à Arnéguy mais hélas, pas elle. Je suis un peu coincée d'autant qu'autour de moi, personne ne peut me donner sa date de naissance.

Je ne crois pas que de leur vivant, le fait d'habiter d'un côté ou l'autre de la frontière au gré des traités, changeait grand chose au quotidien de mes ancêtres. A 95%, ils étaient laboureurs, parlaient le basque, allaient à la messe, faisaient de nombreux enfants, et pour la plupart, n'auront probablement jamais traîné leurs espadrilles du côté de Bayonne ou Pampelune...        

samedi 19 septembre 2015

Où je m'attaque à la branche Etchemendy

Il aura fallu une soirée avec mon père et une de ses cousines germaines pour que je puisse enfin trouver le fil qui me reliait à une nouvelle branche de mes ancêtres basques. De leur grand-père maternel commun, Dominique et Jeanne ne savaient pas grand chose. Qu'il se prénommait Jean, était né du côté de Saint-Jean-le-Vieux, et s'était marié avec Gratianne Urritzaga, native de Valcarlos, de l'autre côté de la frontière (aujourd'hui on dirait Pays basque sud).

Et puis après quelques échanges, Papa s'est exclamé : "tu devrais regarder du côté de Behorleguy ou de Mendive". Aussitôt dit, aussitôt fait, l’insomniaque que je suis se relève la nuit suivante pour s'attaquer aux archives de ces deux villages. Des Etchemendy en pagaille (c'est un nom très courant, je m'en étais déjà aperçue à travers une alerte sur Geneanet), et déjà quelques Jean Etchemendy. Mais lequel était le mien ? 

Et bien sûr, pas de tables décennales dans ces communes qui m'auraient fait gagner du temps. Les généalogistes amateurs ont heureusement de l'intuition, je resserre ma recherche sur une période donnée et sur Mendive, et repère trois familles Etchemendy potentielles. Puis je vais me recoucher...

Le lendemain, je reprends ma quête et trouve à deux mois d'intervalle, deux actes de naissance de deux Jean Etchemendy dont un qui m'avait échappé la veille. Et béni soit le scrupuleux officier d'état civil de Mendive qui a eu la bonne idée d'indiquer dans la marge les dates de mariages de ses concitoyens ! Le "mien", mon arrière-grand-père donc, est né le 12 mars 1877 dans la maison Cubiatia, et s'est marié le 30 septembre 1908 à Saint-Jean-le Vieux avec Gratianne Urritzaga.

La vraie surprise, y compris pour mon père, est que le père de Jean, Martin Etchemendy (né ca 1842) était espagnol, natif lui aussi de Valcarlos ! J'ai en effet trouvé son acte de mariage à Mendive le 4 février 1873 avec une certaine Izabelle Esponda. Ainsi donc, mes racines ibériques (mes quatre arrière-grand-parents du côté de ma mère sont d'origine espagnole) sont encore plus marquées que je ne le pensais ! La généalogie c'est génial, à travers ses racines, on fait des découvertes sur soi-même...

Illustration : Ramiro Arrue y Valle

dimanche 21 juin 2015

Où je lis un ouvrage écrit par ... mon arrière-arrière-grand-oncle !

A la recherche de documents sur le Pays basque, je feuillette un ouvrage sur Gallica intitulé "Le peuple basque, sa langue, son origine" écrit par le Chanoine Inchauspé et publié par l'Association française pour l'avancement des sciences, à l'occasion du Congrès de Pau de 1892. Comme ce livret d'une trentaine de pages est passé dans le domaine public, je le télécharge et l'imprime pour le lire tranquillement plus tard.

Mue cependant par la curiosité, je fais une recherche sur Wikipedia sur l'auteur et quelle n'est pas ma surprise de m'apercevoir que le Chanoine Emmanuel Inchauspé est en fait mon arrière-arrière-grand-oncle ! C'est le petit frère d'Anne (sosa 17) que j'ai déjà évoquée plusieurs fois et le fils de Marie-Jeanne Duthurburu (sosa 35), ma "centenaire" ! (lire "Anne, ma sœur Anne" ... et "Où je fais la connaissance de ma première centenaire").

Emmanuel (Sunharette, 1815-Abense, 1902) est déjà dans mon arbre généalogique sauf que pour moi, conformément à son acte de naissance du 12 novembre 1815, il s'appelle Manuel. Encore plus fort, je m'aperçois que lors de ma visite des cimetières "familiaux" au mois d'avril, j'ai pris en photo un tombeau à Abense-de-Haut, sur lequel figurent deux Eppherre, une Marie Jeanne (1844-1925) et une Marie Anne (1854-1923), me promettant de faire des recherches plus tard à leur sujet.

Au milieu de ce tombeau, une épitaphe en basque avait bien attiré mon attention mais comme je ne le parle pas, j'avais deviné plus que traduit. A la lueur de l'article de Wikipedia, je comprends qu'il s'agit bien d'Emmanuel, abbé (apheza), vicaire général du diocèse de Bayonne, linguiste et écrivain !

Quant aux deux Eppherre voisines sur la pierre tombale, il s'agit très probablement de ses nièces maternelles, fille de Anne Inchauspé et de Raymond Eppherre dit Harismendy, mes AAGP (sosas 16 et 17). Les prénoms et dates de naissance collent mais seule une visite à la mairie d'Abense me le confirmerait avec les actes de décès.

Jusque là dans notre famille, il y avait un écrivain et académicien basque, également chanoine, Guillaume Eppherre (Aussurucq, 1911-Bayonne, 1974), un cousin germain de mon père que j'ai connu. Il me plaît de penser qu'aujourd'hui j'en ai découvert un autre...

vendredi 19 juin 2015

Un orphelin couché sur un testament mais non reconnu

Presque une semaine que je fais des recherches pour livrer une histoire complète. Peine perdue. Je vais donc la raconter avec les éléments que j'ai réunis et accepter une fois de plus que la généalogie c'est aussi des questions sans réponses...

Grâce au remarquable travail de transcriptions d'actes que fait l'association Gen&O, je suis tombée par hasard sur des minutes notariales où il était question d'un inventaire de biens suite au décès d'un certain Pierre Eppherre-Iriart du village d'Abense-de-Haut. Cette lignée me pose problème depuis le début de mes recherches car je n'arrive pas à la relier à ma généalogie alors qu'il s'agit d'Eppherre qui plus est alliés à des Irigoyen de Suhare. Mais passons, là n'est pas mon propos.

Ce que je comprends de cet acte daté du 10 décembre 1855, c'est qu'il fait suite au testament laissé par le défunt et déposé chez Maître Jean Casenave, notaire à Mauléon, le 25 août 1855. Le malheureux décèdera trois jours plus tard dans sa maison de Bertereix d'Abense-de-Haut. Il avait 25 ans. Selon ses dernières volontés, il lègue ses biens à son père Jean Eppherre-Iriart, lui recommandant de faire célébrer 80 messes pour le salut de son âme, de payer vingt francs aux pauvres de la paroisse, sept à ceux de Garindein et de donner cinq francs pour la réparation de l'église d'Abense.

Là où l'affaire devient intéressante c'est qu'il est ensuite question d'un enfant orphelin d'environ cinq mois dont Pierre laisse à son père la charge de le nourrir et de l'entretenir "de dos et de table" et de l'élever comme il convient. Il en fait l'héritier des biens dont "il peut disposer", l'usufruit allant à son père. Il précise que cet enfant vit auprès d'une certaine Marie Ayphassorho dite Eyheressague, sa mère, domiciliée à Chéraute. Aucune mention des liens qui le lient à la mère ou à l'enfant.
  
Après quelques recherches, j'ai trouvé l'acte de naissance de l'enfant, Pierre, né le 13 avril 1855 à Roquiague, de Marie Ayphassorho de la maison Eyheressague, âgée de 30 ans (elle est née le 1er mars 1825) et de père inconnu. La déclaration n'est faite que six mois plus tard à la mairie de Roquiague le 26 octobre 1855 par Jean Ayphassorho, oncle paternel de l'enfant.

Plus étonnant encore, le 1er septembre 1855, donc deux jours après le décès de Pierre Eppherre-Iriart, Marie se rend à l'étude de Maître Casenave pour déclarer qu'elle est bien la mère d'un enfant naturel né le 23 avril 1855 (date différente de celle indiquée en mairie), nommé Pierre Ayphassorho et né de père inconnu. Un peu comme si elle avait voulu être sûre que cet enfant ait un avenir avant de le reconnaître...

Les questions que je me pose à propos de cet enfant sont nombreuses. Pierre était-il son père ? Dans ce cas, pourquoi en avoir fait son héritier sans le reconnaître ? Qu'est-il advenu de lui et de sa mère ? Mes recherches sont rendues très compliquées par le fait que deux des frères de Marie se prénommaient Pierre, comme leur père, et ont à leur tour donné ce prénom à leurs fils...

J'ai même imaginé que l'enfant ait pu être élevé par son grand-père paternel putatif à Abense, mais là non plus, je n'ai rien trouvé dans les archives du village, sinon que Jean Eppherre-Iriart dit Bertereix est décédé à l'âge de 97 ans ! Un peu tard pour que son hypothétique petit-fils puisse hériter de quelque chose. Mais les Eppherre étant gens de parole, je ne doute pas qu'il ait subvenu aux besoins de cet enfant...

Illustration : Mauricio Flores Kaperotxipi

vendredi 12 juin 2015

Quand le mariage à l'essai provoquait le courroux des curés

Avant 1792, les registres paroissiaux sont les principales sources connues de l'état civil. Les actes sont répertoriés dans ce qu'on appelle communément les BMS pour Baptêmes, Mariages et Sépultures. J'ai déjà évoqué ici les différences de "styles" entre rédacteurs chargés de la tenue des registres.

Avec les curés, c'est encore plus savoureux quand on sent poindre une certaine désapprobation entre les lignes... Ainsi de l'extrait ci-dessous retrouvé à Aussurucq.   
  
L'an mil sept cent soixante dix neuf et le premier du mois de novembre est née une fille des œuvres illicites d'Arnaud, fils illégitime de Pierre de beheragaray dit Sagardoy et d'Engrâce cadette d'appechetz (sic) d'Ossas - elle a été baptisée le lendemain par moy soussigné - le parrain a été Arnaud de beheragaray dit Goyhen et la marraine Anne d'appechetz d'Ossas, Dame de Bedacarrats de ce lieu ; on lui a donné pour nom Anne. Le parrain et la marraine ont point signé pour ne savoir écrire - Recalt curé.

Pour la petite histoire, le curé Récalt est un lointain parent. Je l'ai déjà évoqué dans l'histoire des deux orphelines et l'église d'Aussurucq. De leur côté, la jeune mère de cette enfants née d’œuvres "illicites" est très probablement la petite-fille de Marie Apeceix d'Ossas, mon aïeule (sosa 149). On notera au passage que le père, Arnaud, est lui même un enfant illégitime quoique reconnu. 

En effet, chez les Basques, le mariage à l’essai était monnaie courante [...]. Ce mariage à l’essai (concubinage) provoquait la colère des curés. Les Basques l'ont pratiqué avant l’heure. Ils ne rédigeaient de contrat de mariage et ne recevaient la bénédiction nuptiale qu’après avoir longtemps vécu avec leurs futures épouses, avoir sondé leurs mœurs et vérifié leur fertilité.*

Ceci n'est bien sûr pas une généralité. J'ai jusqu'à présent trouvé plus d'actes de naissance d'enfants de couples mariés que le contraire. Il arrivait aussi qu'un ou deux enfants nés hors mariage soient reconnus au moment du mariage de leurs parents et mentionnés dans l'acte de mariage. Mais quand on connaît l'influence de la religion catholique et celle des prêtres dans la société basque, on s'amuse rétrospectivement de ces petites entorses à la morale chrétienne...

*In "Matriarcat Basque : la position centrale de la femme chez le plus ancien peuple européen" (auteur non identifié)

Illustration : Enrique  Albizu

dimanche 31 mai 2015

Pierre après Pierre...

Depuis un mois que je suis rentrée du Pays basque, j'ai décidé de concentrer mes recherches sur le berceau de notre famille du côté de mon grand-père paternel Pierre, à savoir Aussurucq dans les Pyrénées Atlantiques (autrefois Basses-Pyrénées) et plus précisément dans la Soule, l'une des trois provinces françaises du Pays basque.

J'ouvre une parenthèse pour dire que ces dernier jours, Gallica, la bibliothèque numérique de la BNF, a lancé un défi rigolo : retrouver son village dans les cartes de Cassini. Tout le monde y est allé de son hashtag #MonBledDansCassini sur Tweeter et autres réseaux sociaux, moi comprise. Et comme le montre la photo ci-dessus, Aussurucq, orthographié Außuruc, existait bien au 18e siècle.

Mais revenons à mes recherches. L'une de mes branches remonte à Pierre Lohitçun et Marianne Sagardoy, tous deux nés circa 1747. Je n'ai trouvé ni leur actes de baptême ni leur acte de mariage mais ils sont mentionnés dans l'acte de mariage de mes aïeuls Joseph Lohitçun et Marie Etcheber, le 27 mai 1809  à Aussurucq. Marie étant née à Ordiarp, j'ai retrouvé son acte de baptême le 6 juin 1784 mais pas celui de Joseph né à Aussurucq vers 1785, le registre des baptêmes, mariages et sépultures (BMS) de l'époque étant très lacunaire.

Il manque ainsi tous les actes des années 1781 à 1788. Frustrant d'autant plus que j'ai retrouvé les actes de trois de ses frères nés en 1776, 1778 et 1780 et là surprise, ils s'appelaient tous ... Pierre ! Et devinez comment se prénommait le cadet de Joseph, né probablement en 1789 ? Pierre encore !!! Qui sera suivi d'un Jean, enfin !

J'ai déjà raconté dans un précédent billet avoir retrouvé trois Anne dans la même fratrie mais là, quatre Pierre sur six frères, ça me paraissait carrément ... abusif ! Je m'en suis émue sur Twitter et voilà le message que j'ai reçu de Didier, un généalogiste très pointu, que je remercie pour ses explications :

"Donner un seul prénom permettait de tricher sur l'impôt par capitation, sur les recrutements militaires, et également, après la Révolution qui l'avait aboli, de continuer à pratiquer le droit d'aînesse. Enfin, c'était aussi une forme de désobéissance civile vis-à-vis des autorités qu'on récusait ainsi pour des affaires privées".

Une seule de ces explications m'aurait déjà suffi mais je dois dire que depuis que je m'intéresse à mes ancêtres basques, chacune est éclairante et fort plausible. Pour conclure, dans son acte de mariage, Joseph est présenté comme premier né de la fratrie et Pierre, son cadet, comme le second de la fratrie dans le sien.

D'où j'en déduis que les trois premiers Pierre sont morts en bas âge et ne sont même pas passés à la postérité. Sans ces vieux registres même très incomplets, ils n'auraient eu aucune existence...

mardi 26 mai 2015

Un exemple parmi d'autres de sérendipité

La sérendipité c'est le fait de trouver ce qu'on ne cherche pas. En généalogie, c'est tellement courant que je me fais des petites fiches intitulées "sérendipité" quand par hasard je tombe sur quelque chose que je ne cherchais pas ou plus. Ou bien qui peut s'avérer utile plus tard.

Dans le billet Élisabeth et Marie-Jeanne, je m'attardais un moment sur le mariage d’Élisabeth Lohitçun et d'Antoine Larrive en 1851 à Aussurucq, leur cherchant brièvement une descendance du côté de Licq-Athérey d'où était issu Antoine. Je ne trouvai rien et décidai de laisser tomber dans l'immédiat, cette branche n'étant ni directe ni très importante pour moi. 

En passant, je notai néanmoins dans les tables décennales de la commune de Licq-Athérey (Licq et Athérey ont été réunies en 1843) le mariage d'un Dominique Larrive avec une Marguerite Jauréguy le 12 février 1866. Après avoir passé plusieurs jours à remonter ma lignée directe à Aussurucq jusque avant la Révolution, je décidai hier de m'offrir une petite récréation en revenant à cet acte de mariage. 

Rapidement, je m'aperçois que Dominique Larrive est effectivement un frère cadet d'Antoine (mêmes parents, même maison) né huit ans après son frère, le 1er avril 1822. Mais quelle n'est pas ma surprise de m'apercevoir que son mariage avec Marguerite est en fait un remariage et qu'il est alors veuf d'une certaine ... Annette Eppherre !

Peu d'informations sur cette dernière si ce n'est sa date de décès le 22 juillet 1861 toujours à Licq-Athérey. Son acte de décès m'apprend qu'elle est âgée de 38 ans à sa mort, elle est donc née autour de 1822/1823. Dans mon arbre, il y a bien une Anne Eppherre née le 26 juillet 1822 à Sunharette, fille de Simon Eppherre dit Recalt (ca 1772-1852) et de Marie Iriart ou Inchauspe (ca 1778-1850), mes sosas 32 et 33.

Je ne sais rien d'elle si ce n'est qu'en 1846, elle a eu à Sunharette dans la maison familiale de Recalt, une petite fille née de père inconnu. Il ne me reste plus qu'à rechercher son acte de mariage avec Dominique Larrive. Que je trouve, non pas à Sunharette (les mariages se faisaient souvent chez la fiancée) mais à Licq-Athérey, le 23 novembre 1852. Et il s'agit bien de "mon" Anne Eppherre.

Pendant leurs neuf années de mariage, ils auront quatre garçons de 1854 à 1859. A la mort d'Anne (surnommée Annette), Dominique se remarie donc avec Marguerite Jauréguy du village d'Ainharp. Ensemble, ils auront une fille Marie, née en 1869 avant qu'à son tour Marguerite ne décède le 23 décembre 1875, elle aussi à 38 ans. Il la suivra d'un mois puisqu'il meurt le 27 janvier 1876.

Peut-être en saurai-je un peu plus un jour sur la famille d'Antoine Larrive et Élisabeth Lohitçun ? Laissons faire la sérendipité... 

Illustration : Ramiro Arrue y Valle

 

jeudi 21 mai 2015

Où une fille unique ... ne l'a pas toujours été

William Bouguereau
Dans un de mes premiers billets, j'affirmais que mon arrière-arrière-grand-mère était fille unique. Je m'appuyais pour cela sur son contrat de mariage. Moralité, en généalogie, il faut se méfier de tout même des actes de notaire ! Pour dédouaner ce brave officier ministériel, je dirais que Marie-Jeanne Dargain (1833-1907) était en effet fille unique et orpheline de sa mère au moment de son mariage en 1851 avec mon arrière-arrière-grand-père Dominique Irigoyen (1829-1898) ... mais cela n'a pas toujours été le cas.

Presque par hasard, je lui ai trouvé une petite sœur, hélas décédée à l'âge de deux ans. Pourquoi ne l'ai-je pas découverte avant ? Parce que son nom était orthographié différemment de celui de sa sœur aînée et que pour couronner le tout, son prénom avait changé entre son acte de naissance et son acte de décès ! 

Ah, ces maires, secrétaires de mairie et autres scribes de l'état civil que de chausse-trapes nous posent-ils à nous pauvres limiers des archives ! Il en est parmi eux des tatillons, des négligents, des bavards, des laconiques. Il m'est arrivé à deux siècles d'écart de pester contre tel ou au contraire de bénir tel autre qui en un acte me fournissait un tas d'informations importantes !

Quand j'ai commencé, je ne comprenais pas toujours ces généalogistes qui tel Sisyphe et son rocher reprenaient régulièrement leur recherches à la base. Il est pourtant si facile de passer à côté d'un acte, de mal l'interpréter, de commettre la fameuse erreur de soustraction de tout débutant ou de se tromper de branche. Notre vie n'est pas toujours linéaire, celle de nos aïeux pouvait prendre aussi des chemins de traverse...     
 
Pour en revenir à Marie-Jeanne, si son père Pierre (1800-1853) ne s'est pas remarié après le décès de sa femme Marie (1809-1842) et de sa deuxième fille Engrâce ou Marie (1838-1840), ce ne fut pas le cas de son propre père Jean (ca 1768-1838). Veuf de sa première femme Engrace Laborde (ca 1767-1824), mon aïeule donc, il épousa en secondes noces une Marie Jaury de 50 ans. Vu leur âge avancé, ils n'eurent pas d'enfants...

Jean de son côté, avait eu un demi-frère Arnaud (ca 1775-1828) né de son père Luc et de sa belle-mère Marie Aguerreberry (ca 1744-1812). Lequel Arnaud épousa Marie Erretin (ca 1775-1828) et eut avec elle une descendance (au moins cinq enfants recensés à ce jour). Bref, tout ce petit monde s'appelait Argain, nom transformé en D'Argain, puis Dargain à partir de mon arrière-arrière-grand-mère, auquel on accola Laxalt, du nom de leur maison. Et tous de leur vivant habitant le même village !

On comprendra alors la difficulté de "retrouver ces petits" et l'explication de la découverte un peu tardive de cette petite sœur ...  
Tables décennales [1833-1842] à Aussurucq : Dans la colonne de gauche, naissance de D'Argain Marie (ma sosa 19) le 20/05/1833, dans celle du milieu, naissance d'Argain Engrace, le 19/08/1838 et dans la colonne de droite, décès de Argain-Laxalt Marie (en fait Engrace !) le 12/11/1840 et de Argain Pierre le 13/01/1840 (nouveau-né et petit-fils d'Arnaud Argain).  

mardi 12 mai 2015

Elisabeth et Marie-Jeanne

La généalogie offre à qui aime raconter des histoires un terreau inépuisable. Même si elle repose sur des faits avérés et vérifiés, du moins par ceux qui s'y consacrent sérieusement, elle permet de se perdre en conjectures, de se livrer à bon nombre d’interprétations et parfois, de laisser tout simplement courir son imagination. Ainsi de l'histoire que je vais vous raconter.

Marie-Jeanne Dargain-Laxalt, mon arrière-arrière-grand-mère qui décidément m'inspire, était fille unique. Son père Pierre était âgé de 33 ans à sa naissance, sa mère Marie de 24 ans. Comme je l'ai déjà évoqué , ils s’étaient mariés le 22 mai 1833, deux jours après la naissance de Marie-Jeanne ! 

Moins de neuf ans plus tard, Marie décédait. Pierre ne se remaria pas et Marie-Jeanne resta fille unique. Mais dans un petit village, on est rarement seul et on peut envisager sans trop de risque d'erreur qu'elle s'éleva au milieu d'une ribambelle de cousins. Récemment, je me suis intéressée à la nombreuse fratrie de sa mère, Marie Lohitçun (sosa 40), deuxième d'une famille de quatorze enfants. C'est ainsi que je me suis aperçue que la benjamine, Élisabeth, était née le 25 décembre 1829.

Comme c'est souvent le cas, la tante avait donc à peine trois ans et demi de plus que sa nièce. J'ai alors imaginé que les deux fillettes avaient été très proches, voire élevées ensemble quand la mère de Marie-Jeanne mourut prématurément. Un détail me fait penser que je suis dans le vrai. Mon arrière-grand-mère Élisabeth Irigoyen, fille de Marie-Jeanne donc, portait un prénom que je n'avais jamais rencontré auparavant. De là à penser qu'elle était la filleule d’Élisabeth, il n'y a qu'un pas ...

Plus troublant, le père de Marie-Jeanne, Pierre Dargain était sous-lieutenant des douanes françaises ainsi que son propre père Jean avant lui. Or le 14 octobre 1851, quelques semaines avant que Marie-Jeanne ne se marie avec mon arrière-grand-père, Dominique Irigoyen, l'instituteur du village (le 27 novembre 1851) qui Élisabeth Lohitçun épouse-t-elle ? Un certain Antoine Larrive originaire de Licq et sous-brigadier des douanes à Cette, dans l'Hérault !  

Élisabeth a quinze ans de moins que lui quand ils se marient et je suppose que c'est par l'entremise de son beau-frère Pierre Dargain qu'ils se rencontrent. J'aurais aimé vous en dire plus sur ce couple, où ils vécurent et s'ils eurent des enfants mais pour l'instant, je n'ai rien trouvé les concernant ni à Aussurucq ni à Licq, et je cherche toujours du côté de Sète.

Mais je me plais à imaginer qu'ils ont eu une petite fille, prénommée Marie-Jeanne ...

Epilogue : Aucune petite Marie-Jeanne n'est venue égayer le foyer d'Elisabeth et d'Antoine. Je n'ai pas retrouvé le dossier de douanier de ce dernier à Bordeaux, juste une indication dans le Bulletin des Lois (pensions civiles) précisant qu'il avait pris sa retraite en 1872 à Bayonne comme chef douanier.
En revanche, les hasards de la sérendipité m'ont fait retrouver le testament du couple (chaque conjoint léguant son héritage à l'autre) chez Maître Charles Diligo, notaire à Mauléon, le 2 octobre 1893, dans lequel ne figure aucune mention d'enfants.
Antoine et Elisabeth se sont établis à la fin de leur vie à Sauguis dans la maison Elichagaray où Antoine décédera le 5 janvier 1895 à 80 ans. Elisabeth, quant à elle, a dû s'éteindre après 1905 (date limite des tables de décès en ligne). Rappelons-nous qu'elle était beaucoup plus jeune que son mari. Pourquoi Sauguis qui finalement n'est qu'à un jet de pierre d'Aussurucq ? A la fin de sa vie, la benjamine s'est peut-être rapprochée de sa sœur la plus proche, Marie. Mariée à Arnaud Ihits, natif de ce village, le couple a eu une nombreuse progéniture. Peut-être une manière pour Elisabeth de retrouver l'ambiance de famille nombreuse de son enfance ? Quant aux deux "cousines", Marie-Jeanne étant décédée en 1907, je me plais à les imaginer se rendant souvent visite l'une l'autre au crépuscule d'une vie bien remplie...
(Février 2019)
IllustrationKnud Erik Edsberg

mercredi 6 mai 2015

Où ma généalogie grandit de façon exponentielle


Valentin de Zubiaurre
La semaine dernière, je suis partie à la chasse aux ancêtres ... sur le terrain. Finies les longues veillées à m'esquinter les yeux sur mon écran, en essayant de déchiffrer les hiéroglyphes des archives départementales. Vive le contact humain des secrétariats de mairie et l'air vivifiant des cimetières ! Je ne sais pas vous mais moi, j'adore les cimetières.

Du coup, je suis revenue avec ma besace pleine d'actes à saisir et une généalogie qui s'est étoffée  pour dépasser les 400 membres. Il faut dire qu'à Aussurucq, berceau de ma famille, mes aïeux étaient spécialistes des familles nombreuses. Mon grand-père, Pierre, dont j'ai trouvé l'acte de naissance le 30 septembre 1901 - un grand moment d'émotion ! - était le dernier d’une fratrie de 11 enfants.

D'ailleurs, à quoi ça tient d'être en vie quand on y réfléchit, les trois frères et sœurs qui l'ont précédé sont décédés en bas âge. Quant à Michel, le huitième de la fratrie (1895-1916), il est tombé au champ d'honneur à Verdun, à 21 ans... Parmi les aînés de mon grand-père, l'un, Dominique (1884-1944) a eu à son tour 11 enfants. 

J'en ai bien connu quelques-uns, deux d'entre eux sont encore de ce monde, et j'ai eu la chance d'en revoir une la semaine dernière. Une belle amatxi de 90 ans qui s'excusait presque de ne pouvoir partager plus de souvenirs. Sa sœur aînée aurait su, elle, mais elle est partie l'an dernier quelques jours avant ses 101 ans !

A la génération d'avant, celle que j'ai déjà évoquée , mon arrière-arrière-grand-mère, Marie-Jeanne Dargain-Laxalt (1833-1907), fille unique, avait eu 13 enfants avec son mari Dominique Irigoyen (1829-1898). Sa maman, Marie Lohitçun (1809-1842), morte prématurément, était elle-même issue d'une fratrie de 14 enfants. Tous ne sont pas arrivés à l'âge adulte et peu d’entre eux en fin de compte se sont mariés et ont assuré une descendance. 

Même si le travail de recherche, de saisie dans l'arbre généalogique, de transcription des actes, peut parfois s'avérer fastidieux, je ressens toujours beaucoup d'émotion en pensant à toutes ces vies passées, ponctuées de moments de bonheur et de drames.

A tous ces aïeux qui font que je suis là aujourd'hui, maillon d'une chaîne ininterrompue depuis plusieurs siècles, j'ai envie ce soir de dire tout simplement : merci.