dimanche 21 juin 2015

Où je lis un ouvrage écrit par ... mon arrière-arrière-grand-oncle !

A la recherche de documents sur le Pays basque, je feuillette un ouvrage sur Gallica intitulé "Le peuple basque, sa langue, son origine" écrit par le Chanoine Inchauspé et publié par l'Association française pour l'avancement des sciences, à l'occasion du Congrès de Pau de 1892. Comme ce livret d'une trentaine de pages est passé dans le domaine public, je le télécharge et l'imprime pour le lire tranquillement plus tard.

Mue cependant par la curiosité, je fais une recherche sur Wikipedia sur l'auteur et quelle n'est pas ma surprise de m'apercevoir que le Chanoine Emmanuel Inchauspé est en fait mon arrière-arrière-grand-oncle ! C'est le petit frère d'Anne (sosa 17) que j'ai déjà évoquée plusieurs fois et le fils de Marie-Jeanne Duthurburu (sosa 35), ma "centenaire" ! (lire "Anne, ma sœur Anne" ... et "Où je fais la connaissance de ma première centenaire").

Emmanuel (Sunharette, 1815-Abense, 1902) est déjà dans mon arbre généalogique sauf que pour moi, conformément à son acte de naissance du 12 novembre 1815, il s'appelle Manuel. Encore plus fort, je m'aperçois que lors de ma visite des cimetières "familiaux" au mois d'avril, j'ai pris en photo un tombeau à Abense-de-Haut, sur lequel figurent deux Eppherre, une Marie Jeanne (1844-1925) et une Marie Anne (1854-1923), me promettant de faire des recherches plus tard à leur sujet.

Au milieu de ce tombeau, une épitaphe en basque avait bien attiré mon attention mais comme je ne le parle pas, j'avais deviné plus que traduit. A la lueur de l'article de Wikipedia, je comprends qu'il s'agit bien d'Emmanuel, abbé (apheza), vicaire général du diocèse de Bayonne, linguiste et écrivain !

Quant aux deux Eppherre voisines sur la pierre tombale, il s'agit très probablement de ses nièces maternelles, fille de Anne Inchauspé et de Raymond Eppherre dit Harismendy, mes AAGP (sosas 16 et 17). Les prénoms et dates de naissance collent mais seule une visite à la mairie d'Abense me le confirmerait avec les actes de décès.

Jusque là dans notre famille, il y avait un écrivain et académicien basque, également chanoine, Guillaume Eppherre (Aussurucq, 1911-Bayonne, 1974), un cousin germain de mon père que j'ai connu. Il me plaît de penser qu'aujourd'hui j'en ai découvert un autre...

vendredi 19 juin 2015

Un orphelin couché sur un testament mais non reconnu

Presque une semaine que je fais des recherches pour livrer une histoire complète. Peine perdue. Je vais donc la raconter avec les éléments que j'ai réunis et accepter une fois de plus que la généalogie c'est aussi des questions sans réponses...

Grâce au remarquable travail de transcriptions d'actes que fait l'association Gen&O, je suis tombée par hasard sur des minutes notariales où il était question d'un inventaire de biens suite au décès d'un certain Pierre Eppherre-Iriart du village d'Abense-de-Haut. Cette lignée me pose problème depuis le début de mes recherches car je n'arrive pas à la relier à ma généalogie alors qu'il s'agit d'Eppherre qui plus est alliés à des Irigoyen de Suhare. Mais passons, là n'est pas mon propos.

Ce que je comprends de cet acte daté du 10 décembre 1855, c'est qu'il fait suite au testament laissé par le défunt et déposé chez Maître Jean Casenave, notaire à Mauléon, le 25 août 1855. Le malheureux décèdera trois jours plus tard dans sa maison de Bertereix d'Abense-de-Haut. Il avait 25 ans. Selon ses dernières volontés, il lègue ses biens à son père Jean Eppherre-Iriart, lui recommandant de faire célébrer 80 messes pour le salut de son âme, de payer vingt francs aux pauvres de la paroisse, sept à ceux de Garindein et de donner cinq francs pour la réparation de l'église d'Abense.

Là où l'affaire devient intéressante c'est qu'il est ensuite question d'un enfant orphelin d'environ cinq mois dont Pierre laisse à son père la charge de le nourrir et de l'entretenir "de dos et de table" et de l'élever comme il convient. Il en fait l'héritier des biens dont "il peut disposer", l'usufruit allant à son père. Il précise que cet enfant vit auprès d'une certaine Marie Ayphassorho dite Eyheressague, sa mère, domiciliée à Chéraute. Aucune mention des liens qui le lient à la mère ou à l'enfant.
  
Après quelques recherches, j'ai trouvé l'acte de naissance de l'enfant, Pierre, né le 13 avril 1855 à Roquiague, de Marie Ayphassorho de la maison Eyheressague, âgée de 30 ans (elle est née le 1er mars 1825) et de père inconnu. La déclaration n'est faite que six mois plus tard à la mairie de Roquiague le 26 octobre 1855 par Jean Ayphassorho, oncle paternel de l'enfant.

Plus étonnant encore, le 1er septembre 1855, donc deux jours après le décès de Pierre Eppherre-Iriart, Marie se rend à l'étude de Maître Casenave pour déclarer qu'elle est bien la mère d'un enfant naturel né le 23 avril 1855 (date différente de celle indiquée en mairie), nommé Pierre Ayphassorho et né de père inconnu. Un peu comme si elle avait voulu être sûre que cet enfant ait un avenir avant de le reconnaître...

Les questions que je me pose à propos de cet enfant sont nombreuses. Pierre était-il son père ? Dans ce cas, pourquoi en avoir fait son héritier sans le reconnaître ? Qu'est-il advenu de lui et de sa mère ? Mes recherches sont rendues très compliquées par le fait que deux des frères de Marie se prénommaient Pierre, comme leur père, et ont à leur tour donné ce prénom à leurs fils...

J'ai même imaginé que l'enfant ait pu être élevé par son grand-père paternel putatif à Abense, mais là non plus, je n'ai rien trouvé dans les archives du village, sinon que Jean Eppherre-Iriart dit Bertereix est décédé à l'âge de 97 ans ! Un peu tard pour que son hypothétique petit-fils puisse hériter de quelque chose. Mais les Eppherre étant gens de parole, je ne doute pas qu'il ait subvenu aux besoins de cet enfant...

Illustration : Mauricio Flores Kaperotxipi

vendredi 12 juin 2015

Quand le mariage à l'essai provoquait le courroux des curés

Avant 1792, les registres paroissiaux sont les principales sources connues de l'état civil. Les actes sont répertoriés dans ce qu'on appelle communément les BMS pour Baptêmes, Mariages et Sépultures. J'ai déjà évoqué ici les différences de "styles" entre rédacteurs chargés de la tenue des registres.

Avec les curés, c'est encore plus savoureux quand on sent poindre une certaine désapprobation entre les lignes... Ainsi de l'extrait ci-dessous retrouvé à Aussurucq.   
  
L'an mil sept cent soixante dix neuf et le premier du mois de novembre est née une fille des œuvres illicites d'Arnaud, fils illégitime de Pierre de beheragaray dit Sagardoy et d'Engrâce cadette d'appechetz (sic) d'Ossas - elle a été baptisée le lendemain par moy soussigné - le parrain a été Arnaud de beheragaray dit Goyhen et la marraine Anne d'appechetz d'Ossas, Dame de Bedacarrats de ce lieu ; on lui a donné pour nom Anne. Le parrain et la marraine ont point signé pour ne savoir écrire - Recalt curé.

Pour la petite histoire, le curé Récalt est un lointain parent. Je l'ai déjà évoqué dans l'histoire des deux orphelines et l'église d'Aussurucq. De leur côté, la jeune mère de cette enfants née d’œuvres "illicites" est très probablement la petite-fille de Marie Apeceix d'Ossas, mon aïeule (sosa 149). On notera au passage que le père, Arnaud, est lui même un enfant illégitime quoique reconnu. 

En effet, chez les Basques, le mariage à l’essai était monnaie courante [...]. Ce mariage à l’essai (concubinage) provoquait la colère des curés. Les Basques l'ont pratiqué avant l’heure. Ils ne rédigeaient de contrat de mariage et ne recevaient la bénédiction nuptiale qu’après avoir longtemps vécu avec leurs futures épouses, avoir sondé leurs mœurs et vérifié leur fertilité.*

Ceci n'est bien sûr pas une généralité. J'ai jusqu'à présent trouvé plus d'actes de naissance d'enfants de couples mariés que le contraire. Il arrivait aussi qu'un ou deux enfants nés hors mariage soient reconnus au moment du mariage de leurs parents et mentionnés dans l'acte de mariage. Mais quand on connaît l'influence de la religion catholique et celle des prêtres dans la société basque, on s'amuse rétrospectivement de ces petites entorses à la morale chrétienne...

*In "Matriarcat Basque : la position centrale de la femme chez le plus ancien peuple européen" (auteur non identifié)

Illustration : Enrique  Albizu