vendredi 30 octobre 2015

Quatre sœurs, quatre destins de mères

Félix Arnaudin
Chaque généalogiste se retrouve au moins une fois confronté à des naissances hors mariage, reconnues ou pas. Le cas basque se complique un peu du fait de la relative tolérance des mariages dits "à l'essai" comme je l'ai déjà expliqué ici, Prenons le cas de la famille de mon arrière-arrière-arrière-grand-mère, Marie Lohitçun (sosa 39), née le 1er novembre 1809 à Aussurucq.

Marie est la seconde d'une fratrie de quatorze enfants dont quatre mourront en bas âge et quatre seulement auront une descendance. Elle est la première à se marier, son frère aîné Jean (1808-1829) étant décédé à l’âge de 21 ans quatre ans auparavant. Le 22 mai 1833, à 23 ans, elle épouse Pierre Dargain-Laxalt, de neuf ans son aîné. Il est sous-lieutenant des douanes et ils n'auront que deux filles, Marie-Jeanne (1833-1907), mon arrière-arrière-grand-mère (sosa 19) que j'ai longtemps crue fille unique (lire ) et sa petite sœur (1838-1840). Première suspicion de mariage à l'essai, Marie-Jeanne est née deux jours avant le mariage de ses parents !

Engrâce, sixième de la famille, voit le jour le 31 octobre 1815 à la suite de trois enfants morts bébés. A son tour, elle aura deux enfants mais sans père. Le 3 avril 1840, c'est sa mère Marie (ma sosa 79) qui annonce la naissance à la maison Lohitçun d'une petite Marie née de père inconnu. La petite décède le 30 mars 1842. Un mois plus tard, cette fois c'est le père d'Engrâce, Joseph, qui vient déclarer Pierre, né le 30 avril 1842 toujours de père inconnu. Le sort s’acharne sur la pauvre Engrâce puisque le petit Pierre ne vivra que 17 mois...

Le seul garçon de cette branche à perpétuer le nom de Lohitçun, est aussi un Pierre né juste après Engrâce, le 29 mai 1817. Le 13 février 1849, il épouse Marie Ihitz de Sauguis. Ensemble, ils auront quatre enfants. Mais intéressons-nous à présent à Marguerite, le numéro 12 de la fratrie. Elle aussi a d'abord un enfant né de père inconnu, Là encore c'est Joseph qui se déplace en mairie pour déclarer la naissance de ... Joseph, le 27 mars 1847. Mais cette fois, le père n'est pas si inconnu que ça...

En effet, le 29 juin 1848, Marguerite Lohitçun, 31 ans convole avec un garçon de son village, Pierre Serbielle dit Etchatz, 33 ans. Le couple s'empresse alors de reconnaître Joseph, leur premier né. Sur l'acte de son propre mariage, le 25 novembre 1875 avec Marie Chalde-Lago, Joseph né Lohitçun est entre temps devenu Joseph Serbielle-Etchatz. J'ignore si le mariage était à l'essai ou si il y a eu "réparation" après une première grossesse surprise mais en tout cas, le couple sera prolifique. Je vous fais grâce des huit frères et sœurs suivants (dont trois autres Joseph !) mais Marguerite aura sa petite dernière à 45 ans !

J'ai déjà évoqué l'histoire d'Elisabeth, sœur cadette de mon AAAGM Marie. Née, le 25 décembre 1829, vingt ans après celle-ci, elle épousera Antoine Larrive le 14 octobre 1851. A ce jour, j'ai perdu sa trace et celle de son douanier de mari. J'ignore donc si elle a eu des enfants mais si c'est le cas, ils étaient parfaitement légitimes...

vendredi 16 octobre 2015

Le chaînon manquant


©Archives familiales
Lorsque je me suis lancée dans cette dévorante aventure qu'est la généalogie, j'ai commencé par la branche qui me paraissait la plus simple, à savoir celle de ma famille paternelle. Si les Eppherre ne m'ont pas posé trop de problèmes, en revanche, pour les Etchemendy, la quête s'est avérée plus ardue.

Reprenons au début. Le couple sur la photo, ce sont mes grands-parents paternels, Pierre Eppherre (1901-1970) et Marie-Anne Etchemendy (1912-1977), le jour de leur mariage à Saint-Jean-le-Vieux (Pyrénées Atlantiques) le 4 février 1932. Voici quelques temps déjà que j'ai une alerte sur Geneanet, mais les Etchemendy (nom qui signifie "la maison située dans la montagne" : etxe maison et mendy montagne, en basque), sont nombreux. 

J'ai déjà expliqué ici comment, à la faveur d'une discussion avec mon père et une de ses cousines, j'avais réussi enfin à "localiser" Jean Etchemendy, le père de Marie-Anne, mon arrière-grand-père donc, à Mendive. Le 30 septembre 1908, il épouse Gratianne Urritzaga.

La mairie de Saint-Jean-le-Vieux m'a gentiment fait parvenir leur acte de mariage ainsi que l'acte de naissance de Gratianne, née dans cette commune et non pas en Espagne comme je le pensais. On y apprend qu'elle naît le 19 septembre 1883 et est déclarée par son père sous le prénom de Gracieuse. Ses parents sont Martin Urritzaga et Dominica Biscaïtchipy.

Je sais que les Urritzaga sont de Valcarlos mais mes recherches sont au point mort de ce côté-là de la frontière. En revanche, je décide de me pencher sur les Biscaïtchipy, originaires je le suppose de Basse-Navarre (Pays basque, côté français). A Saint-Jean-le-Vieux, dans les archives numérisées des Pyrénées-Atlantiques (AD64), je trouve la trace d'un mariage le 19 février 1871, d'un Jean Biscaïtchipy et d'une Marianne Saroïberry ou Sallaberry.

Mais les dates posent problème car si l'on se fie à l'acte de mariage de sa fille Gratianne, Dominica est née autour de 1861. D'où l'importance de lire un acte jusqu'au bout, celui que je regarde précise à la troisième page que le couple Biscaïtchipy/Sallaberry reconnaît deux enfants nés hors mariage dont une fille prénommée Dominica et née le 19 octobre* 1861 ... à Buenos Aires, en Argentine

Mon intuition me souffle qu'il s'agit bien de mon arrière-arrière-grand-mère mais comment en être sûre ? Il faudrait que je mette la main sur son propre acte de mariage avec Martin Urritzaga qui a dû intervenir entre 1880 et 1883. Pas de chance la numérisation de la commune s'arrête à 1879 et je ne peux pas encore solliciter la commune sans date précise ni même la preuve qu'ils se sont bien mariés là...

Et c'est là qu'intervient l'association Gen&O qui fait un travail remarquable dans le département. J'envoie une sorte de SOS via Twitter et reçois le lendemain dans ma boîte mail l'acte recherché, daté du 23 novembre 1882. Le chaînon manquant.

Dominica est bien née en Argentine avant que ses parents ne reviennent "au pays". Avec son acte de mariage et celui de ses parents, ce n'est pas une mais deux générations que je peux rajouter à mon arbre ! A ce jour, la généalogie de cette branche remonte à avant la Révolution et ouvre des pistes sur trois pays, la France, l'Espagne et l'Argentine !

Moralité : la généalogie, c'est un peu de flair, beaucoup de persévérance et surtout de l'entraide...    

* En fait, elle est née le 17 et a été baptisée le 19 ce que j'apprendrai beaucoup plus tard grâce à son acte de baptême argentin !  

mardi 13 octobre 2015

Où Gallica livre deux archives de choix

Guillaume Eppherre (à gauche) en 1971
J'ai déjà évoqué ici Guillaume Eppherre, cousin germain de mon père, prêtre, écrivain et membre de l'académie de la langue basque (Euskaltzaindia). Une récente recherche dans le site de la Bnf, Gallica, m'a amené à m'intéresser à ce parent que j'ai eu la chance de croiser dans mon enfance.

Guillaume naît à Aussurucq le 19 octobre 1911 dans la maison Etcheberria. Il est le second d'une fratrie qui comptera onze enfants. Son père, Dominique (1884-1944) est un frère aîné de mon grand-père Pierre (1901-1970) qui de fait, n'a que dix ans de plus que ce neveu. Sa mère, Jeanne Etchart (1886-1960), est également native d'Aussurucq (maison Larraquia).

Destiné à la prêtrise, il fait sa scolarité au collège Saint-François de Mauléon-Licharre, des études de philosophie au Petit séminaire d'Ustaritz, de théologie au séminaire de Bayonne et enfin, de mathématiques à la faculté de Toulouse. (Sources familiales et Wikipedia)

C'est là qu'il entre au service de l’évêque de Bayonne, Monseigneur Houbaut, comme le rapporte cette coupure de presse du journal La Croix en date du 14 juillet 1937. Deux ans après, la guerre éclate et il est mobilisé.
La Croix du 14 juillet 1937
L'autre archive de Gallica nous apprend qu'il est sergent au 18e RI lorsqu'il est fait prisonnier. On retrouve son nom dans la liste transmise par les autorités allemandes au centre national d'information sur les prisonniers de guerre (j'ignorais qu'un tel service existait !)
Toujours d'après Wikipédia, après la guerre, Guillaume Eppherre devient chanoine honoraire de Bayonne et aumônier au collège Saint-Bernard de la même ville. Ses écrits contribueront largement au rayonnement de la langue basque à travers l’académie dont il devient membre en 1957. Il y siégera en tant que représentant de la province de la Soule jusqu'à sa mort, le 17 octobre 1974.

Celle-ci intervient deux jours avant son 63e anniversaire et douze jours après le décès de son petit frère Grégoire (1929-1974), prêtre comme lui... 

Sources photo : Euskomedia.org

jeudi 1 octobre 2015

Quand mes ancêtres habitaient sur une frontière

"Les accords frontaliers passés au 18e siècle entre la France et l'Espagne ont définitivement séparé Valcarlos de la Basse-Navarre et de l'évêché bayonnais auxquels cette paroisse était rattachée depuis sa création" écrit Jean-Baptiste Orpustan dans sa Nouvelle Toponymie Basque, et de préciser : "C'est sans doute le pèlerinage compostellien et le rôle du monastère de Roncevaux qui ont fait le destin de cette "vallée de Charlemagne".

Quand avec mes parents nous passions nos vacances au Pays basque, nous faisions toujours une étape de "ravitaillement" dans les ventas d'Arnéguy sur la frontière. Si mes souvenirs sont bons, seul un pont sur la Nive marquait la limite entre la France et l'Espagne. L'architecture changeait un peu d'un côté à l'autre mais c'est tout. Je savais qu'une partie de ma famille venait de Valcarlos mais je n'avais jamais réalisé avant de me lancer dans la généalogie à quel point les deux villages étaient proches.

De fait, longtemps Arnéguy fut un quartier de Luzaide, le nom basque de Valcarlos. Dans l'acte de mariage de mes arrière-grands-parents, il est précisé que les parents de Martin, Pierre ou Pedro Etchemendy (ca 1811-1891) et Marie Auzquy (ca 1812-1872), sont domiciliés à Arnéguy mais que lui est né à Valcarlos, côté espagnol et elle à Mendive, un village plus à l'ouest distant d'une vingtaine de kilomètres à peine. Sur l'acte de naissance d'un de ses enfants, il est également précisé que Pierre est sujet espagnol. 

Pour cette branche, j'ai eu de la chance, j'en ai retrouvé de nombreuses traces dans les AD64, à Arnéguy, Mendive, Béhorléguy et plus tard, à Saint-Jean-le-Vieux. En revanche, mon arrière-grand-mère, Gratianne Urritzaga, est également originaire de Valcarlos mais je suppose que son acte de naissance est resté en Espagne. J'ai trouvé une famille Urritzaga à Arnéguy mais hélas, pas elle. Je suis un peu coincée d'autant qu'autour de moi, personne ne peut me donner sa date de naissance.

Je ne crois pas que de leur vivant, le fait d'habiter d'un côté ou l'autre de la frontière au gré des traités, changeait grand chose au quotidien de mes ancêtres. A 95%, ils étaient laboureurs, parlaient le basque, allaient à la messe, faisaient de nombreux enfants, et pour la plupart, n'auront probablement jamais traîné leurs espadrilles du côté de Bayonne ou Pampelune...