lundi 9 avril 2018

Retour à Morón

L'avantage de faire régulièrement des recherches en généalogie, c'est que l'on sait mieux où chercher, avec plus de méthode et de plus en plus vite. Ainsi des registres de FamilySearch en Argentine, qui sont une mine quand on a des ancêtres qui y ont émigré massivement au 19e siècle. Forte de la récente plongée dans ces registres qui m'a permis de reconstituer l'histoire de la "petite Marie" et de ses soeurs, j'ai décidé de reprendre celle d'André Eppherre où je l'avais laissée.

Je suis repartie du Census de 1895 de Capitán Sarmiento et, avec l'âge des enfants, j'ai pu reconstituer toute la fratrie grâce à leurs actes de baptême et mettre enfin la main sur l'acte de mariage d'André "Andrès" et de Gabrielle "Gabriela" Arcurux. Ils se sont bien unis à Morón le 22 juin 1868, soit un an après leur traversée.

Un petit mystère demeure cependant, dans le recensement, le couple dit avoir eu treize enfants, je ne leur en ai trouvé que douze, tous nés à Morón entre 1868 et 1885 dont quatre décédés prématurément et inhumés à Morón. Quant aux "jumelles", elle n'en étaient pas : Graciana, l'aînée, est née le 12 décembre 1868 et Juana Maria dite Mariana, sa cadette, le 15 janvier 1870.

Tous les enfants sans exception ont été baptisés en la Catedral Basílica Inmaculada Concepción del Buen Viaje de Morón, édifiée sur les ruines d'une vieille église et consacrée en juillet 1868, ce qui laisse penser que le mariage d'André et Gabrielle et le baptême de leur première fille furent célébrés dans une cathédrale flambant neuve ! 
   
Une autre leçon que nous apprend la généalogie c'est de combattre les idées toutes faites et les déductions hâtives. Bien sûr les conjectures sont toujours possibles (conjecturons, donc ! comme l'exprimait récemment un généablogueur qui se reconnaîtra...) mais il faut tout de même s'en méfier.

Ainsi, avais-je conclu hâtivement dans le premier billet consacré à André que c'est en tant que cadet qu'il avait été obligé de s'exiler. Or, quelle ne fut pas ma surprise de m'apercevoir que son demi-frère Jean-Baptiste Etchegoren, l'aîné de la fratrie, était lui aussi parti en Argentine et mieux, qu'il avait été témoin de son mariage !

Devenu Bautista tantôt Etchegoren tantôt Etchegoien (!), âgé de vingt-neuf ans au moment du mariage de son demi-frère (il était né le 18 mai 1839 à Sunharette d'Anne Inchauspé et de son premier mari Pierre décédé en 1838), il sera aussi le parrain de Graciana, le premier enfant du couple.

Jean-Baptiste "Bautista" va à son tour se marier à Morón le 17 mars 1871 avec une Maria Etchandi de quatorze ans sa cadette qui lui donnera trois filles nées entre 1872 et 1876 toutes prénommées Maria (!). Adrien Eppherre, son demi-frère et frère cadet d'André, s'est lui aussi installé à Morón où il a épousé le 21 août 1873, une demoiselle Mariana Uturry. Mais je perds ensuite complètement la trace de ces deux frères...

André quant à lui, a dû quitter Morón pour Capitán Sarmiento avec sa femme et leurs sept enfants entre 1892 et 1895. En effet, leur fille cadette Mariana avait épousé à Morón le 20 septembre 1890 José Iriarte, un basque espagnol de Pampelune dont elle aura deux garçons et une fille entre 1891 et 1893, les deux aînés nés à Morón.

La petite famille apparaît dans le même recensement de Capitán Sarmiento que celle d'André. Ce dernier, de petit exploitant ("chacarero") est devenu éléveur ("ganadero") à l'instar de son gendre, José. Je n'ai pour l'instant pas épluché les archives de Capitán Sarmiento, plus limitées que celles de Morón, afin de savoir ce qu'il était advenu d'André et des siens.

En revanche, mon intuition me dit que le Pedro Eppherre évoqué dans un autre billet n'est pas un fils d'André comme je l'avais supposé (conjecturons, donc !) mais plutôt celui d'une veuve de Buenos Aires originaire de Barcus. Mais ceci est une autre histoire...

Illustration : El gallo y la Catedral de Morón, Taringa.net
Sources :   AD64Gen&OFamilySearchGeneanet, sur la Cathédrale de Morón (Instituto de Patrímonio Artístico y Arquitectónico)

samedi 7 avril 2018

Douaniers de père en fils

La branche Dargain est l'une des premières que j'ai étudiées lorsque je me suis lancée sur les traces de mes ancêtres basques. Très tôt, j'ai su que mon arrière-arrière-grand-mère (sosa 19) Marie-Jeanne Dargain-Laxalt était fille et petite-fille de douaniers. En cherchant sur la toile où trouver les archives des Douanes françaises, j'ai remarqué que certaines avaient été versées au Musée national des Douanes qui se trouve ... à Bordeaux. Pour une fois, j'avais des sources à portée de main ! 

Pour ceux qui comme moi, auraient des douaniers parmi leurs ascendants, la demande se fait en ligne. La documentaliste effectue des recherches ponctuellement et envoie le document en question ... si elle le trouve ! En effet, si certains dossiers de personnel et sommiers de signalement ont été confiés au Musée des Douanes, celui-ci n'a pas vocation à conserver toutes les archives des douanes françaises.

Dans mon cas, j'ai eu de la chance car les sommiers de Bayonne ont été transférés récemment à Bordeaux. La quête a été concluante et par deux fois, j'ai eu le plaisir de me rendre au musée pour découvrir sur de magnifiques registres (photo) les états de service de mes ancêtres directs, Jean et Pierre D'Argain (sosas 76 et 38).
    
Collection personnelle ©Mdep
Collection personnelle ©Mdep
Et maintenant, un peu d'histoire...
Les Douanes "modernes" apparaissent sous la Constituante avec la loi du 1er mai 1791. En effet, avec la Révolution française disparaissent les frontières intérieures et leur corollaire le plus haï, la gabelle. Cette taxe était très inégalitaire selon les régions et sa suppression revenait souvent dans les doléances des fameux cahiers du même nom.

A partir de là, les douaniers vont s'occuper exclusivement de la surveillance des frontières nationales. On assiste à l'instauration d'un fort protectionnisme d'Etat, lequel sera encore renforcé sous Napoléon 1er avec le Blocus continental. A Bordeaux, par exemple, les exportations de vin vers l'Angleterre vont être interdites !

Sous le Premier Empire, la Douane est organisée militairement avec des brigades, groupes d'intervention sur le terrain, et des bureaux, composés d'agents administratifs. Il faudra attendre la Restauration pour que les douaniers affectés à la surveillance soient dotés d'uniformes. On reconnaît le douanier à sa veste gris-vert et à son pantalon bleu céleste bordé d'un galon rouge. 

Mais revenons à nos douaniers basques. Qui dit douanier dit contrebandier. Ceux qui ont lu Ramuntcho de Pierre Loti connaissent déjà l'antagonisme proverbial entre ces deux groupes bien connus du Pays Basque qui, comme chacun sait, est à cheval sur deux frontières. En basque, la contrebande est appelée "Gaueko lana" ce qui signifie "travail de nuit", c'est dire son importance !

Douaniers et contrebandiers, qui sont parfois de la même famille, jouent en permanence au "gendarme et au voleur" sur les sentiers de montagne entre la France et l'Espagne. L'essentiel du travail des brigades est de surveiller sa zone appelée aussi "penthiére". Les journées sont longues, dix heures en moyenne, et les douaniers partent souvent pendant plusieurs jours d'affilée.

Armés de fusils, ils sont parfois accompagnés de chiens dressés, appréciés pour leur flair et leur ouïe. Il leur arrive aussi d'emporter en plus de leur paquetage un "lit d'embuscade" pour se protéger du froid car ils peuvent rester des nuits entières au même endroit sans pouvoir bouger. 
Lit d'embuscade - Musée national des Douanes 
Quant au recrutement, à l'époque où mes deux aïeux ont exercé ils s'est fait d'abord parmi les anciens soldats de la Convention. C'est le cas de Jean D'Argain qui a été sergent au Premier bataillon de la Brigade basque avant s'être engagé comme douanier. Ensuite, la cooptation est un levier de recrutement important et il n'est pas rare aux 19e et 20e siècles d'être douanier de père en fils. 

En dehors des Dargain, j'ai retrouvé de véritables "dynasties" de douaniers dans mon arbre souletin. C'est le cas de Joseph Elichiribehety de Lanne marié à Marguerite Inchauspé de Sunharette (petite-fille de Jean-Baptiste Inchauspé dit Harismendy, mon sosa 34). Ensemble, ils ont eu un fils douanier, Jean-Pierre, et une fille, Marie-Jeanne, mariée à un douanier d'Alos ! 

Pour finir ce billet plus long que d'habitude, je ne résiste pas à partager ce charmant petit tableau que l'on peut voir au Musée des Douanes de Bordeaux, "La visite des pacotilleuses" qui montre que les femmes aussi s'adonnaient à la contrebande pour la plus grande distraction des douaniers...
Rémy Cogghe (1854-1935)
Première illustration : Officier et préposé des Douanes sous la Révolution